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Outre leurs divergences sur la scène intérieure, Marine Le Pen et Emmanuel Macron s’opposent également sur l’international, avec deux visions du monde et du rôle de la France aux antipodes. Qu’il s’agisse de l’Europe, de l’Otan ou de la guerre en Ukraine, tour d’horizon des positions défendues par les deux finalistes de l’élection présidentielle.

Europe

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Immigration

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Mémoire

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Terrorisme au Sahel

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Guerre en Ukraine

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Otan

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Textes Romain Brunet et Grégoire Sauvage
Secrétaire de rédaction Mathias Hosxe, Cyrielle Cabot
Rédaction en chef Assiya Hamza, Stéphane Bernstein
Graphisme et développement Studio Graphique France Médias Monde
Direction de la rédaction Vanessa Burggraf et Amaury Guibert

Tous droits réservés © Avril 2022

Europe



Candidat pro-européen opposé à la montée des populismes, Emmanuel Macron voit dans l’Europe comme le pilier central de sa diplomatie depuis cinq ans et comme une solution aux problèmes de la France en matière d’environnement ou de sécurité.

Considérée comme "un bouclier" lors de la crise sanitaire, l’Europe est aux yeux du candidat-président un moyen d’accroître la puissance du pays. Il plaide notamment pour un renforcement de son autonomie énergétique et de ses capacités militaires.

L’Europe est également perçue comme une chance pour accomplir des objectifs ambitieux autour de la transition énergétique, grâce au Pacte vert pour l’Europe, qui doit permettre de parvenir à la neutralité carbone en 2050.

Enfin, Emmanuel Macron veut profiter d’occuper la présidence de l’UE pour porter une réforme de l’espace Schengen. L’objectif affiché est de renforcer les frontières extérieures de l’Europe et d’harmoniser les règles d’asile et d’accompagnement des réfugiés et des migrants.



Contrairement à 2017, lorsque Marine Le Pen prônait la sortie de l’euro et de l’Union européenne (UE), la candidate du Rassemblement national (RN) souhaite désormais rester au sein de l’UE pour la "réformer de l'intérieur". Elle entend affirmer la supériorité du droit national sur le droit européen, ce qui pour ses détracteurs reviendrait à un "Frexit".

Elle veut, pour cela, agir en lien avec ses alliés hongrois et polonais, qualifiant en revanche le "moteur franco-allemand de l'UE" de "quasi-fiction". Marine Le Pen accuse d’ailleurs le président sortant de ne pas "défendre les intérêts de la France" face à l'Allemagne, et a réitéré sa volonté de rompre tous les accords de coopération militaro-industriels conclus depuis 2017.

La candidate d’extrême droite a toutefois assuré ne "nourrir aucune hostilité à l'endroit de la Nation allemande" et appelé de ses vœux le "renforcement des relations" bilatérales dans les domaines éducatif et culturel.

Marine Le Pen affirme également vouloir réduire la contribution française au budget européen de 5 milliards d’euros et souhaite restreindre les compétences de la Commission européenne. Sur l’espace Schengen, elle ne souhaite plus en sortir, mais compte rétablir un contrôle temporaire aux frontières pour forcer des négociations sur un nouveau traité.

Immigration



Selon l’Observatoire de l’immigration et de la démographie, l’immigration n’a jamais été aussi importante que sous le quinquennat Macron : 255 675 premiers titres de séjour ont été accordés à des immigrés non européens en moyenne chaque année entre 2017 et 2021. Un record.

Pour Emmanuel Macron, l’immigration est "une chance" et le président sortant défend régulièrement la tradition d’accueil de la France, ainsi que le droit d’asile. Cependant, il estime qu’il faut repenser notre système et juge que les mesures de reconduite aux frontières des clandestins sont inefficaces.

Pour augmenter le nombre d’expulsions, le président-candidat souhaite que le refus d’asile soit systématiquement accompagné d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

Par ailleurs, Emmanuel Macron veut revoir les conditions d’accès aux titres de séjour de plus de quatre ans en les conditionnant "à un examen de français et à une vraie démarche d’insertion professionnelle". Les procédures d'examen des demandes se verraient accélérées mais un refus serait automatiquement assorti d'une procédure simplifiée d'expulsion.

Aussi, Emmanuel Macron entend poursuivre sa politique de sanctions envers les États qui refuseraient le retour de leurs ressortissants. Pour être renvoyés, ils doivent disposer d'un "laissez-passer consulaire" (LPC) et certains pays rechignent à les délivrer.



Marine Le Pen fait de l’arrêt de l’immigration un axe central de son programme. Elle affirme vouloir mettre fin au regroupement familial, supprimer le droit du sol et limiter l’accès à la nationalité française à la seule naturalisation sur des critères de mérite et d’assimilation.

La candidate du RN souhaite également traiter les demandes d’asile uniquement depuis l’étranger. Elle promet d’expulser "systématiquement" les clandestins, les délinquants et les criminels étrangers.

La préférence nationale, ADN du Front National de Jean-Marie Le Pen puis du RN, est au cœur de sa stratégie. Toute personne de nationalité française sera donc avantagée par rapport à un étranger, notamment pour l’accès au logement ou à l’emploi. Marine Le Pen veut l’inscrire dans la Constitution en procédant par référendum d’initiative citoyenne comme le veut l’article 11. L’objectif est de contourner le contrôle du Conseil constitutionnel qui ne peut donner qu’un avis consultatif sur une loi adoptée par référendum. La candidate d’extrême droite compte réserver les aides sociales aux Français et conditionner à cinq années de travail en France l’accès aux prestations de solidarité.

Marine Le Pen promet par ailleurs de supprimer l’autorisation de séjour pour tout étranger n’ayant pas travaillé depuis un an en France et de supprimer l’Aide médicale d’État (AME).

Mémoire



En 2017, le candidat Emmanuel Macron avait qualifié la colonisation de "crime contre l’humanité" lors d’une interview accordée à la télévision algérienne, provoquant l’ire d’une grande partie de la classe politique française notamment de Marine Le Pen. Face à la polémique, il avait ensuite tempéré ses propos.

Durant son quinquennat, en s’appuyant sur les recommandations du rapport de l’historien Benjamin Stora sur la colonisation et la guerre d'Algérie, l’Élysée a prôné une série d’actes symboliques mais pas d’excuses, une position qui a provoqué des tensions avec Alger.

Emmanuel Macron a ainsi multiplié les gestes destinés à réconcilier les mémoires : les reconnaissances de l’assassinat du militant communiste Maurice Audin et de l’avocat nationaliste Ali Boumendjel, la restitution à l’Algérie des crânes de résistants algériens du XIXe siècle ou encore en demandant pardon aux harkis au nom de la France.

En novembre 2017, lors d'un discours à l'université de Ouagadougou, au Burkina Faso, Emmanuel Macron s’était également engagé à rendre possible les restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en France. Et ce dans un délai de cinq ans. Le 9 novembre 2021, 26 œuvres d’art ont ainsi été rendues au Bénin.

Enfin, le quinquennat Macron a également été marqué par un rapprochement avec Kigali dans la foulée de la publication du rapport Duclert [sur les archives françaises relatives au Rwanda et au génocide des Tutsis]. En visite officielle au Rwanda en mai 2021, Emmanuel Macron avait reconnu "des responsabilités lourdes et accablantes" dans le génocide des Tutsis, mais là encore sans présenter d’excuses.



Marine Le Pen ne consacre aucune ligne de son programme à une quelconque politique mémorielle, mais ses positions sont connues. Lors de la commémoration du soixantième anniversaire des Accords d’Évian, elle a affirmé refuser "de se flageller devant l’Algérie" et s’est opposée à la date du 19 mars mars comme journée nationale du souvenir des victimes de la guerre d'Algérie "car il y a eu des dizaines de milliers de harkis qui ont été sauvagement assassinés" par la suite.

Lorsqu’Emmanuel Macron avait reconnu en mars 2021 que le militant algérien Ali Boumendjel avait été "torturé et assassiné" par l’armée française en 1957, la candidate d’extrême droite avait dénoncé l’envoi de "signaux désastreux de repentance, de division et de haine de soi". Lors de sa conférence de presse sur sa politique étrangère, mercredi 13 avril, Marine Le Pen a en revanche promis un "discours décomplexé, clair et lisible pour l'Algérie", et au-delà une volonté "d'entretenir des relations amicales" avec ce pays.

Par ailleurs, Marine Le Pen entend se servir de l’école pour transmettre une histoire de France, dont le contenu aura été précédemment défini par le Parlement et le ministère de l’Éducation nationale, ouvrant ainsi la porte à une réécriture à des programmes.

Lutte contre le terrorisme au Sahel



Enjeu majeur de la politique extérieure de la France depuis l’intervention décidée en 2013 par François Hollande au Mali avec l’opération Serval, l’engagement militaire français au Sahel, devenu Barkhane, s’est poursuivi sous Emmanuel Macron, connaissant des succès, mais restant incapable d’endiguer la spirale de la violence jihadiste.

Confronté à un pouvoir militaire hostile à Bamako, la France et ses alliés ont annoncé en février 2022 un retrait de leurs troupes du Mali. Malgré ce revers, Emmanuel Macron veut maintenir une présence militaire française dans la région et réorganiser la force Barkhane. Des discussions sont en cours avec le Niger voisin et d'autres pays d'Afrique de l'Ouest pour éviter une contagion jihadiste vers le Golfe de Guinée.



Marine Le Pen n’a pas exprimé de position précise sur la lutte contre le terrorisme au Sahel et n’a pas eu un mot sur le Mali, mercredi 13 avril, lors de sa conférence de presse consacrée à sa politique étrangère.

Son programme affirme simplement vouloir consolider des "partenariats stratégiques" avec le Tchad et le Niger. En février, elle s’était prononcée en faveur d’un départ des troupes françaises du Mali, "quel qu’en soit le coût".

En février, après l’expulsion de l’ambassadeur français du Mali, elle avait proposé d’expulser l’ambassadeur malien de France, alors que le Mali n’avait déjà plus d’émissaire en France depuis deux ans. Elle avait également proposé de "bloquer l'intégralité des avoirs des dirigeants maliens en France", ainsi que "l'aide au développement, à destination du Mali" et "l'intégralité des transferts de fonds financiers y compris individuels qui partent de France vers le Mali".

Guerre en Ukraine



Pendant plusieurs semaines, Emmanuel Macron a oscillé entre grande fermeté vis-à-vis de Moscou et maintien du dialogue avec Vladimir Poutine. Un grand écart qui lui a valu de nombreuses critiques, le président n’ayant obtenu aucun résultat avec le maître du Kremlin avant et depuis le début de la guerre en Ukraine. En Ukraine, le mot "macroner" a été créé. Sa définition ? "Essayer d’expliquer à des assassins que ce n’est pas bien de tuer les gens."

Appelant à la prudence quand Joe Biden traite le président russe de "boucher" ou évoque un "génocide", le président français plaide toutefois pour une enquête internationale en vue de réunir des preuves de crimes de guerre.

Concernant l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne, Emmanuel Macron n’y est pas favorable à court terme, mais ne souhaite pas pour autant fermer la porte à Kiev.

Emmanuel Macron appelle également l’Europe à réduire sa dépendance aux hydrocarbures russes. Pour asseoir la souveraineté énergétique de la France, le chef de l’État est notamment partisan du développement de l’énergie nucléaire.



Marine Le Pen s'est dite prête à livrer des "éléments de défense" à l'Ukraine – sous-entendu des armes non létales –, mais pas des armes lourdes qui feraient, selon elle, de la France un "cobelligérant" au côté des Ukrainiens face à la Russie.

Lors de la campagne électorale en 2017, Marine Le Pen avait été reçue par Vladimir Poutine. En février, elle affirmait lors d’une interview accordée à CNN qu’il n’y avait pas eu "d’invasion russe" en Crimée en 2014 et que les habitants se sentaient "Russes".

La candidate d’extrême droite rembourse toujours un prêt de 9,4 millions d'euros à un créancier lié à d'anciens militaires russes, contracté en 2014. Pour financer sa campagne 2022, elle s’est tournée vers la Hongrie de Viktor Orban où la banque MKB (Magyar Külkereskedelmi Bank) lui a prêté 10,6 millions d’euros.

Si elle est régulièrement accusée par ses adversaires d'accointances avec le pouvoir russe, elle estime de son côté qu'il s'agit d'un "procès particulièrement injuste". "Je n'ai toujours défendu que l'intérêt de la France", assure-t-elle, en relevant des "similitudes" avec son adversaire Emmanuel Macron, qui avait reçu le président russe à Versailles puis à Brégançon en souhaitant "réarrimer la Russie à l'Europe".

Marine Le Pen a amendé en fin de campagne certains de ses propos sur Vladimir Poutine, renonçant à ce stade à une "entente" militaire avec Moscou. Elle a notamment évoqué le 4 avril des "crimes de guerre" en Ukraine, après la découverte de centaines de corps de civils dans la région de Kiev.

Otan



Très critique envers l’Otan, le président français croit tout de même en l’utilité de cette alliance politico-militaire défensive créée en 1949, particulièrement dans le contexte de la guerre en Ukraine.

Après avoir déclaré, en 2019, l'Alliance atlantique en "état de mort cérébrale", Emmanuel Macron souhaite une meilleure coopération entre les pays membres.

Pour son second mandat, le président sortant souhaite renforcer "la coordination de nos opérations avec nos alliés européens avec un quartier général européen […], en lien avec les centres de commandement nationaux et de l’Otan".



Marine Le Pen est favorable à la sortie de la France du commandement intégré de l’Otan, mais a précisé, mercredi 13 avril, lors de la présentation de son projet diplomatique, qu'elle resterait dans l'Alliance et ne "renoncerait pas à l'application" de son article 5, qui oblige un État-membre à porter assistance à un autre, en cas d'agression.

Elle ne veut ni "soumission" à Moscou ou à la Chine, ni "suivisme à l'égard de l'administration Biden", qu’elle trouve "trop agressive à l'égard de Pékin".

Marine Le Pen défend au contraire un "rapprochement stratégique entre l’Otan et la Russie" une fois la guerre terminée en Ukraine. "C'est l'intérêt de la France et de l'Europe, mais aussi, je crois, des États-Unis qui n'ont […] aucun intérêt à voir émerger une étroite union sino-russe", a-t-elle fait valoir.