Donné pour mort après le résultat de Benoît Hamon à l’élection présidentielle de 2017 (6,36 % au premier tour) et la claque des législatives (seulement 31 députés élus contre 295 en 2012), le Parti socialiste bouge encore. Dans une quasi-indifférence, quatre candidats font ainsi campagne pour devenir premier secrétaire du parti. Ceux qui y croient encore et qui sont restés adhérents malgré les divisions et les défaites se prononcent les 15 et 29 mars. Puis un congrès se tiendra les 7 et 8 avril.

Dans l’immédiat, les 102 000 adhérents doivent choisir entre les textes d’orientation de Luc Carvounas, Olivier Faure, Stéphane Le Foll et Emmanuel Maurel. De ces quatre hommes, le plus connu est l'ancien porte-parole du gouvernement et ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll. Mais c'est le président du groupe Nouvelle gauche à l'Assemblée nationale, Olivier Faure, qui apparaît comme le favori du scrutin après avoir obtenu le soutien de nombreux patrons de fédérations – plus de la moitié, selon son entourage – et de nombreuses personnalités du PS, de Martine Aubry à l'ancien député vallsiste Philippe Doucet.

Attention toutefois aux surprises. Si les adhérents préfèrent se démarquer nettement du quinquennat de François Hollande, ils pourraient être tentés de voter Emmanuel Maurel. La prestation de ce dernier, lors du débat télévisé du 7 mars entre les quatre candidats, a été particulièrement remarquée.

Quoi qu’il en soit, le vainqueur aura la lourde tâche de sauver le Parti socialiste. Pas une mince affaire au regard de son état de délabrement. Le futur premier secrétaire devra en effet réconcilier les différents courants de cette famille politique, reconstruire un projet, faire revenir les militants et convaincre des électeurs partis chez Jean-Luc Mélenchon ou Emmanuel Macron de voter à nouveau PS. Le chemin s’annonce périlleux.






  

Député du Val-de-Marne depuis 2017, ancien sénateur et maire d’Alfortville de 2012 à 2017, Luc Carvounas est sans doute le moins connu des quatre candidats au poste de premier secrétaire du Parti socialiste. Longtemps proche de Manuel Valls, il a pris ses distances avec l’ancien Premier ministre, notamment en soutenant Benoît Hamon lors de la campagne présidentielle de 2017, et non Emmanuel Macron, comme son ancien camarade. Luc Carvounas a voté en juillet dernier contre la confiance au gouvernement d’Édouard Philippe.

Quelques propositions :



Luc Carvounas, le 10 octobre 2017, à l’Assemblée nationale.


Pourquoi les adhérents devraient-ils faire de vous le premier secrétaire du Parti socialiste ?

Je sais ce que je dois au Parti socialiste. Je suis aussi le seul candidat à avoir été maire, le poste le plus formidable pour un élu. Ce savoir-faire ne se décrète pas et c’est d’ailleurs grâce à cette expérience que mon texte est celui qui apporte le plus de propositions concrètes.

Certains vous accusent d’être un proche de Manuel Valls…

Aujourd’hui, c’est le type qui a été loyal au président de la République et au Premier ministre qui est mis dans un "corner", tandis que tous les autres s’inventent une nouvelle virginité. Je n’ai jamais été sur la ligne des gauches irréconciliables théorisée par Manuel Valls. Et lorsqu’il sort ses propos sur le burkini à l’été 2016, je dis publiquement que c’est du délire et que ce n’est pas ma conception de la laïcité. On peut reprendre toutes mes déclarations publiques, je sais à quel moment j’ai eu mon point de rupture par rapport à ce qui se passait avec la déchéance de nationalité. On a tous un passé. Est-ce que, moi, je passe mon temps à rappeler qu’Olivier Faure et Stéphane Le Foll étaient au cabinet de François Hollande ou alors conseiller spécial de Jean-Marc Ayrault avant de devenir député ? Est-ce que je renvoie Emmanuel Maurel au fait qu’il était l’assistant parlementaire de Jean-Luc Mélenchon ?



Luc Carvounas et Manuel Valls, le 4 février 2014, à Alfortville.


Comment comptez-vous rassembler le Parti socialiste et faire revenir les électeurs ?

Ma ligne est claire : c’est ni Mélenchon-béat, ni Macron-béat, je suis so-cia-liste. Mais ce n’est pas un discours qui va faire revenir les électeurs, ce sont des actes. Nous devons redevenir des élus de terrain et de combat. Mon slogan aux législatives, c’était "la gauche de combat". Il faut être présent sur tous les combats de la vie quotidienne.

Vous parlez de bâtir une "gauche arc-en-ciel". Qu’est-ce que c’est ?

La gauche arc-en-ciel, c’est rose-rouge-vert avec les partis politiques et toutes celles et tous ceux qui se reconnaissent dans les combats que nous portons. Aujourd’hui, il y a un vrai militantisme de gauche porté par la société civile avec pléthore d’associations et d’ONG qui sont sur des débats et des sujets qui sont les nôtres. Sauf que la société civile se heurte à un moment donné à un mur car son combat n’est plus relayé par le politique, alors qu’il l’était autrefois. Il faut réinventer ça : une sorte de grande maison commune dans laquelle on a tous envie de se retrouver autour de certains sujets.


  

Président du groupe Nouvelle gauche à l’Assemblée nationale et député de Seine-et-Marne depuis 2012, Olivier Faure a notamment été conseiller de Martine Aubry au ministère de l’Emploi (1997-2000), directeur adjoint du cabinet de François Hollande lorsque ce dernier était premier secrétaire du PS (2000-2007) et chargé de communication du candidat Hollande lors de la présidentielle de 2012. En tant que député, il s’était opposé à la déchéance de nationalité et avait tenté en vain de trouver un compromis sur la Loi travail pour éviter le passage en force du gouvernement. Il s’est abstenu lors du vote sur la confiance au gouvernement d’Édouard Philippe.

Quelques propositions :



Olivier Faure, le 4 juillet 2017, à l’Assemblée nationale.


Pourquoi les adhérents devraient-ils faire de vous le premier secrétaire du Parti socialiste ?

Les adhérents socialistes sont lassés par les conflits qui n’ont plus aucun sens. Ce que je propose, c’est une méthode de travail qui permettra, non pas de dire que nous avons déjà à Aubervilliers le projet de 2022, mais de mettre en œuvre une façon de travailler qui va nous permettre de nous réunir et de nous rassembler.

Quelle est cette méthode ?

Je souhaite mettre en place des chantiers ouverts au plus grand nombre pour revisiter mois après mois l’ensemble des sujets sur lesquels la gauche a aujourd’hui besoin de s’exprimer. Chaque chantier représentera une thématique et pour chacun de ces chantiers nous ferons appel à des experts pour dégager des options. Celles-ci seront ensuite expliquées aux adhérents et aux sympathisants qui trancheront enfin via un vote électronique. Il faudra au minimum deux ans pour faire un travail consciencieux et évaluer la portée de nos choix. Ce que nous proposons, nous devons pouvoir le faire au lendemain d’une éventuelle victoire en 2022.



Olivier Faure, le 16 mai 2013, à Paris.


Vous insistez dans votre texte d’orientation sur la confiance. En clair, vous ne voulez pas de "frondeurs". Comment l’éviter ?

C’est parce que le débat a lieu que la fronde n’a plus de sens. Les "frondeurs" se sont nourris du fait qu’il y avait une absence de débat au Parti socialiste comme au groupe. Donc le débat s’est déporté progressivement vers l’hémicycle et ce fut une erreur colossale. Si je suis élu, il y aura respect des règles parce qu’il y aura eu une forme de collégialité dans la prise de décision et qu’on aura eu la possibilité d’exprimer nos positions.

Vous êtes le seul à parler aides aux entreprises. C’est un sujet tabou ?

Sûrement pas. Sur les entreprises, il faudrait être d’une hypocrisie totale pour faire comme si nous n’avions pas fait dans le quinquennat précédent le Crédit d’Impôt pour la Compétitivité et l’Emploi et le Pacte de responsabilité. Mais sur ces deux mesures, la question n’est pas de savoir si on aide, c’est de savoir si on aide les bonnes entreprises, si le ciblage a été totalement correct. Cela fait partie des choses que nous devons évaluer.




  

Porte-parole du gouvernement de Manuel Valls, ministre de l’Agriculture pendant toute la durée du quinquennat de François Hollande, député européen de 2004 à 2012 et député de la Sarthe depuis 2017, Stéphane Le Foll est un proche de l’ancien président de la République et est d’ailleurs l’unique candidat à assumer totalement son bilan. Réélu dans la Sarthe sans candidat de La République en marche face à lui, il s’est abstenu lors du vote sur la confiance au gouvernement d’Édouard Philippe.

Quelques propositions :



Stéphane Le Foll, le 25 octobre 2017, à l’Assemblée nationale.


Pourquoi les adhérents devraient-ils faire de vous le premier secrétaire du Parti socialiste ?

D’abord parce que je suis loyal au Parti socialiste. J’ai montré pendant le quinquennat précédent ma loyauté envers François Hollande. Les adhérents qui sont encore chez nous aujourd’hui, le sont parce qu’ils sont loyaux et fidèles et, selon moi, ce sont deux valeurs importantes, en aucun cas des reproches qu’on devrait me faire. Ensuite, j’estime que mon expérience est un atout pour le poste de premier secrétaire. J’ai été ministre et c’est une expérience que je peux mettre au service du PS. Car l’enjeu du congrès à venir, ce n’est pas notre renouvellement, mais notre capacité à être écouté et entendu. Ma voix porte car les gens me connaissent. Je n’ai pas de notoriété à acquérir.

Justement, vous représentez un quinquennat qui a fait de nombreux déçus à gauche…

Les Français ont une opinion qui commence à changer sur le quinquennat de François Hollande parce qu’ils se rendent compte, en comparaison avec ce qui se passe en ce moment, que ce n’était pas si mal. Je pense par exemple au départ à la retraite à 60 ans pour les carrières longues. On s’apercevra que c’est une mesure prise par Hollande le jour où on la supprimera. Pareil pour la croissance. Si on a atteint les 2 % en 2017, c’est parce que nous avons mené la politique qu’il fallait les années précédentes et encore en 2017, lorsque nous étions aux manettes au premier trimestre.



Stéphane Le Foll, le 5 avril 2017, devant l’Élysée.


À force de défendre autant le bilan de François Hollande, allez-vous être capable de rassembler un parti aussi divisé ?

Ce sera d’autant plus facile que j’ai été loyal. Ça me paraît plus difficile de rassembler quand on a passé cinq ans à critiquer le quinquennat. Moi, je veux tourner la page et regarder vers l’avenir.

Comment comptez-vous convaincre les électeurs partis dans la nature de revenir ?

On doit repenser notre projet et c’est un travail qui va prendre du temps. On ne va pas se relever tout de suite. Je souhaite qu’on se donne deux ans de travail pour penser, avec des experts, les grandes questions sociales et écologiques. L’enjeu sera aussi de se redresser pour les élections européennes afin de faire plus que les 6 % de Benoît Hamon à la présidentielle. On devra trouver ce qui nous différencie du projet de Macron et de celui de Mélenchon.




  

Ancien assistant parlementaire de Jean-Luc Mélenchon, conseiller régional d’Île-de-France de 2004 à 2015 et député européen depuis 2014, Emmanuel Maurel a déjà été candidat au poste de premier secrétaire du Parti socialiste en 2012. Il était alors arrivé en deuxième position derrière Harlem Désir. Il est l’un des principaux responsables de l’aile gauche du PS et, à ce titre, a soutenu la "fronde" contre le gouvernement de Manuel Valls.

Quelques propositions :



Emmanuel Maurel, le 24 juin 2017, à Paris.


Pourquoi les adhérents devraient-ils faire de vous le premier secrétaire du Parti socialiste ?

Une élection pour le poste de Premier secrétaire, c’est bien évidemment un texte, mais aussi un parcours, une cohérence. Et de ce point de vue-là, l’une de mes forces dans cette campagne, c’est que ce que je dis aujourd’hui, je le disais déjà il y a deux ans. Je ne change pas en fonction des positions de pouvoir. Je ne suis pas rouge vif dans l’opposition et bleu pâle quand on est aux responsabilités.

On vous présente comme le représentant des "frondeurs"…

J’ai effectivement une vision très critique du quinquennat précédent. En phase avec les militants, j’ai porté un certain nombre d’inquiétudes et j’ai joué mon rôle de lanceur d’alerte au sein du Parti socialiste, que ce soit sur la déchéance de nationalité, sur la Loi travail, ou dès le début du quinquennat, quand j’avais alerté sur le fait qu’on n’avait pas renégocié le traité budgétaire européen. J’ai aussi alerté sur les conséquences néfastes du Crédit d’Impôt pour la Compétitivité et l’Emploi, qui a consisté à donner des milliards aux entreprises sans aucune forme de contrepartie.



Emmanuel Maurel, le 10 septembre 2016, lors de la convention des "Frondeurs" à La Rochelle.


Ne croyez-vous pas qu’il vous sera plus difficile de rassembler la famille socialiste ?

Les adhérents ont envie de tourner la page de ce que j’ai appelé de façon un peu caricaturale le hollando-vallsisme. Je propose un socialisme décomplexé, qui ne se cache pas derrière son petit doigt, qui ne complexe pas par rapport à Emmanuel Macron et sa rhétorique du nouveau monde et qui ne passe pas son temps à reprendre le vocabulaire de la droite. Quand vous avez un socialiste qui dit "charges sociales" plutôt que "cotisations sociales" ou qui parle de "clients" plutôt que "d’usagers", c’est qu’il a perdu la bataille culturelle, c’est qu’il est déjà, dans sa tête, converti à l’idéologie dominante. Si je suis élu, ce sera sur un cap stratégique clair : opposition résolue à Emmanuel Macron, volonté de rassembler toute la gauche et de repartir sur un certain nombre de nos fondamentaux.

Vous souhaitez un programme commun pour la gauche en 2022, y compris avec Mélenchon. Vous y croyez ?

Au-delà de son envie ou de son manque d’envie, la vraie question c’est quel est l’objectif politique qu’on se fixe ? Si c’est la reconquête du pouvoir parce qu’on estime que ce que fait Macron au pays et aux Français ne va pas dans le bon sens, alors on vérifie mois après mois comment les luttes peuvent converger. Il faut d’abord s’intéresser à l’élaboration d’une plateforme commune avant de s’intéresser à la question des personnes. D’ici 2022, nous devons trouver quatre ou cinq grands mots d’ordre qui nous rassemblent et qui permettent de mobiliser la société. Cela me paraît possible. Car si l’appareil socialiste ne va pas bien, le message socialiste, lui, n’a jamais été autant d’actualité et aussi pertinent.