Selahattin Demirtas
Un prisonnier en campagne
Âge : 45 ans
Parti : HDP (Parti démocratique des peuples)
Tendance politique : gauche, libéral pro-minorités
Alliance pour les législatives : aucune
Programme : transition vers une démocratie inclusive, lutte contre le chômage et la pauvreté, adhésion à l'UE
Surnom : Selo, l'Obama kurde, le Mandela kurde
C’est depuis sa cellule de la prison d'Edirne, dans le nord-ouest de la Turquie, que Selahattin Demirtas a annoncé sa candidature à la présidentielle de 2018. "Comme vous pouvez l'imaginer, j’ai les mains liées ici, a-t-il écrit dans une lettre dans laquelle il appelait ses partisans à l'aider à faire campagne. Maintenant, c’est vous, les jeunes, les femmes, qui êtes mes mains, mes bras, ma voix et mon souffle."
En l'absence de couverture médiatique, le candidat embastillé a fait campagne via les comptes Twitter et Facebook de son parti, et par écrit, par l’intermédiaire de son avocat, en répondant aux questions posées par les médias internationaux.
Les temps sont durs pour les figures politiques kurdes de Turquie, qui sont la cible d’une répression enclenchée lorsque le président Erdogan s'est retiré du processus de paix avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) en 2015. La même année, le HDP pro-kurde de Selahattin Demirtas franchissait pour la première fois le seuil des 10 % aux élections législatives et entrait au Parlement.
En novembre 2016, il est arrêté avec une dizaine d'autres députés du HDP, dont la coprésidente du parti, Figen Yuksekdag, dans la foulée des purges déclenchées après le coup d'État manqué du 15 juillet. Accusé de "propagande en faveur des terroristes combattant l'État turc", Selahattin Demirtas, qui n’a de cesse de rejeter ces accusations, risque jusqu'à 142 ans de prison.
Deuxième d'une fratrie de sept enfants, fils d'un plombier kurde, "Selo" a grandi à Elazig, dans l'est de la Turquie, au sein d’une famille pauvre. Diplômé en droit, il a ensuite dirigé une section locale de l'IHD (association turque luttant pour les droits de l'Homme) avant de se lancer dans la politique.
Télégénique, érudit et charismatique, Selahattin Demirtas a connu une ascension politique fulgurante. Alors que le HDP participait à ses premières élections locales en 2014, il était une figure populaire appréciée des sympathisants de gauche, des libéraux et des opposants au président Erdogan qui participaient au mouvement de protestation de Gezi, en 2013. Quelques mois plus tard, "Selo" créait la sensation en terminant à la troisième place de la présidentielle de 2014. Son message avait séduit au-delà de la communauté kurde, notamment les laïcs, les féministes et les défenseurs des droits des homosexuels.
Malgré les appels fréquents à sa libération, dont un émis par le candidat du Parti républicain populaire (CHP), Muharrem Ince, Selahattin Demirtas reste derrière les barreaux, d'où il tweete avec ironie sur des sondages qu’il organise dans sa cellule, et qui le donnent vainqueur du scrutin.