Sans lui, pas d’opération "lavage de voiture", pas de démission en cascade à Petrobras et au gouvernement, et pas de manifestation monstre pour demander le départ de Dilma Rousseff. Hermes Magnus est le lanceur d’alerte de l’histoire.
En 2008, ce patron de magasin de composants électroniques a refusé de participer au système de surfacturation qui a été le carburant du système de corruption organisé par des dirigeants de Petrobras. Il a préféré avertir les autorités judiciaires. Conséquence : sa vie s’est transformée en enfer, les menaces de mort se sont multipliées et il a choisi l’exil aux États-Unis.
L’opération qui va déclencher le plus important scandale politico-financier de l’histoire brésilienne débute dans une station-service. Les enquêteurs se rendent compte, en 2013, que son propriétaire, connu pour tremper dans des affaires louches, utilise l’enseigne pour blanchir de l’argent. C’est à ce moment-là que les autorités décident de baptiser l’affaire Lava Jato ("lavage de voitures"). Elle va permettre, dans un premier temps, de mettre à jour un réseau de blanchiment qui passe par des stations-services et des boutiques de nettoyages à sec. Pour ensuite révéler un système élaboré de corruption et de clientélisme impliquant aussi bien les milieux mafieux que la classe politique dirigeante.
Le premier coup de semonce pour Petrobras remonte au 20 mars 2014, lorsque la police arrête Paulo Roberto Costa, un ex-directeur du géant pétrolier. Les enquêteurs s’intéressaient à lui depuis mars 2013. Paulo Roberto Costa avait accepté une Land Rover neuve d’un homme suspecté d’être au cœur du circuit de blanchiment d’argent : Alberto Youssef.
Les enquêteurs sont intrigués par cette proximité et, au fil des investigations, sont de plus en plus convaincus qu’il a les mains sales. Paulo Roberto Costa le reconnaît plus tard lorsqu’il décide de passer à table et devient alors le témoin-clé de la justice. C’est lui qui permettra d’exposer l’ampleur de la corruption qui ronge Petrobras et le pouvoir brésilien. Il en sait quelque chose : il en est l'un des principaux artisans.
Comment passer en quelques années d’eldorado économique à ville fantôme. C’est le destin d’Itaborai, une municipalité située à quelques kilomètres seulement de Rio de Janeiro et dont la bonne fortune dépendait en grande partie du complexe pétrochimique de Comperj.
Environ 250 000 personnes vivent à Itaborai, et leur emploi était lié directement ou indirectement à ce gigantesque projet de Petrobras. Mais le scandale politico-financier qui fragilise le géant du pétrole a pour le moment interrompu les travaux. Conséquence : plus de 70 % des SDF de la ville seraient d’anciens employés du chantier de Comperj qui ont perdu leur emploi, d’après le maire de la ville.
La ville n’a, en outre, pas encore fini de payer l’addition sociale du scandale. Le groupe de BTP Alumini Engenharia, très engagé sur ce chantier, a dû demander à être placé sous le statut de protection contre la faillite et devrait licencier des milliers de personnes à Itaborai.
Le 17 avril, la société gazière et pétrolière Schahin déclare qu’elle ne pourra pas rembourser les 2,1 milliards de dollars qu’elle doit à ses créanciers. Elle devient alors le quatrième sous-traitant d’importance de Petrobras à se placer sous la protection de la loi sur les faillites.
Le premier à avoir jeté l’éponge est le géant du BTP Galvão Engenharia, rapidement suivi par ses concurrents OAS et Alumini Engenharia. Tous ces groupes, qui avaient des chiffres d’affaires de plusieurs millions de dollars, ont souffert de la décision de Petrobras de suspendre bon nombre des contrats avec ses fournisseurs.
Mais le climat économique général au Brésil, miné par ce scandale, a fini par achever ses entreprises. Les responsables de Schahin ont ainsi indiqué que le refus répété des banques de leur prêter de l’argent et l’impossibilité d’en lever sur les marchés financiers leur a fait perdre tout espoir de rembourser leurs dettes.
La mise en cause peut être simple comme un message instantané sur Blackberry. Les enquêteurs ont pu consulter des milliers de conversations de responsables de Petrobras ou de sous-traitants du géant pétrolier brésilien, accros au célèbre smartphone canadien.
La plupart des discussions électroniques sont anodines, note le "Wall Street Journal" qui a pu les consulter. Certaines évoquent cependant clairement des transferts suspects d’argent ou des rendez-vous avec d’autres personnes déjà mises en cause. En tout, la justice a pu mettre en examen une centaine de personnes grâce à ces conversations "privées". La justice brésilienne assure avoir obtenu la collaboration de Blackberry dans cette affaire, ce que la société canadienne, très soucieuse de la protection de la vie privée de ses clients, n’a voulu ni confirmer, ni démentir.
Le film sur la vie du financier-escroc Jordan Belfort, “Le Loup de Wall Street”, montre comment transporter des liasses de billets de banque scotchées au corps. Une technique également utilisée par au moins une “mule” impliquée dans le scandale Petrobras.
Rafael Angulo Lopez a expliqué aux enquêteurs, en décembre 2014, comment il transférait de l’argent en Espagne pour le blanchir. C’est simple, ou presque : il enroulait des billets de 100 rais ou 500 euros dans du film alimentaire, puis faisait des petits trous dans ces paquets pour que tout l’air en sorte afin de réduire au maximum leur épaisseur. Il les attachait ensuite à ses jambes et son torse, puis recouvrait le tout avec des bas de contention et des vestes orthopédiques pour ne pas avoir l’air trop gros.
Joao Vaccari Neto, le trésorier du Parti des travailleurs, s’expliquait devant les parlementaires, le 9 avril, sur le million de dollars de pot-de-vin qu’il est accusé d’avoir reçu, lorsqu’une petite armée de souris est venue interrompre la séance.
Les discussions ont du être interrompues pendant plusieurs minutes. Si le responsable de ce début de panique a fini par être découvert, les souris, elles, ont été plus difficiles à attraper. L’auteur de ce coup médiatique a été sorti de la salle alors qu’il expliquait que son geste ne visait qu’à souligner combien cette affaire était devenue un immense cirque.