Ce qu’on sait : placé en garde à vue mardi 1er juillet, Nicolas Sarkozy est entendu au siège de l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales de Nanterre dans le cadre d’une enquête pour trafic d’influence et violation du secret de l’instruction.
Le placement en garde à vue d’un ancien chef d’État est une première dans l’histoire de la Ve République. Cette décision découle de la mise sur écoute de l’ex-président à partir de septembre 2013, plus précisément des conversations enregistrées en janvier et février 2014. À l’époque, deux magistrats du pôle financier du tribunal de grande instance de Paris enquêtent sur un éventuel financement, par la Libye de Mouammar Kadhafi, de la campagne présidentielle victorieuse de Sarkozy en 2007.
Les interceptions téléphoniques, dont une retranscription a été publiée en partie sur le site de Médiapart en mars 2014, ont révélé que Nicolas Sarkozy utilisait une deuxième ligne et un nom d’emprunt - Paul Bismuth - pour discuter avec son avocat Thierry Herzog. Et que les deux hommes semblaient bien renseignés sur certaines affaires judiciaires en cours pouvant menacer l’ex-chef d’État, notamment le dossier Bettencourt et les soupçons de financement illégal de la campagne présidentielle par des fonds libyens.
La grande nouveauté de la mise en examen de l’ancien président réside dans la charge de “corruption active” qui a été retenue. Jusqu’alors, il n’avait été question que de trafic d’influence et de violation du secret professionnel. À ce stade, les éléments factuels permettant de relier directement Nicolas Sarkozy aux actes présumés de corruption restent inconnus. L’infraction de corruption active d’un magistrat est punie d’une peine de 10 ans de prison et d’une amende d’un million d'euros.
Ce qu’on sait : il a été placé en garde à vue lundi 30 juin. Le nom de ce haut magistrat en fin de carrière apparaît dans la retranscription des écoutes téléphoniques de Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog. L’avocat de l’ex-président y affirme à plusieurs reprises être en contact avec “Gilbert”, notamment dans le cadre de l’affaire Bettencourt.
L’une des conversations enregistrées par les enquêteurs révélent que le magistrat a exprimé le vœu d’être nommé au Conseil d’État de Monaco. Thierry Herzog lui a alors répondu : “Tu rigoles, avec ce que tu fais…”.
Lors d’une perquisition au domicile de Gilbert Azibert, en mars, la police a découvert sur son ordinateur des éléments du dossier Bettencourt auquel il n’aurait pas dû, au vu de sa fonction, avoir accès.
Avant d’être impliqué dans cette affaire de trafic d’influence présumé, Gilbert Azibert a eu une carrière très politique et à droite. Il a notamment été secrétaire général du ministère de la justice de 2008 à 2010, un “garde des Sceaux bis”.
Ce qu’on ne sait pas : la nature exacte des informations obtenues et transmises par Gilbert Azibert à Thierry Herzog n’est pas connue. Il n’est pas non plus établi si le haut magistrat est intervenu dans d’autres dossiers, en dehors de l’affaire Bettencourt.
Par ailleurs, Gilbert Azibert est également soupçonné d’avoir fait pression sur d’autres magistrats impliqués plus directement dans les procédures visant Nicolas Sarkozy. C’est, en tout cas, ce que suggère l’une des conversations entre Thierry Herzog et l’ancien président. L’avocat y explique que Gilbert Azibert a discuté avec un conseiller travaillant sur le dossier Bettencourt “pour bien lui expliquer” les tenants et aboutissants de l’affaire.
Ce qu’on sait : Thierry Herzog est l’avocat attitré de Nicolas Sarkozy depuis 2006 et l’affaire Clearstream. Le juriste est également un “ami de 30 ans” de l’ancien président , qu’il a rencontré dans les années 80 alors que les deux hommes débutaient leur carrière d’avocat.
Thierry Herzog a été placé en garde à vue lundi 30 juin. Il a fait l’objet d’une perquisition en mars dernier dans le cadre d’une enquête pour trafic d’influence et violation du secret de l’instruction en rapport avec l’affaire Bettencourt.
L’avocat a, lui aussi, ouvert une deuxième ligne téléphonique sous un faux nom qu’il utilisait pour discuter avec Paul Bismuth, alias Nicolas Sarkozy. Les écoutes ont permis d’établir que Thierry Herzog était en contact régulier avec le haut magistrat à la Cour de cassation Gilbert Azibert, également placé en garde à vue lundi 30 juin.
En dehors de son amitié avec Nicolas Sarkozy, Thierry Herzog est connu pour être un pénaliste proche de l’UMP, dont il est adhérent. Avant de venir à la rescousse de l’ex-président, il a également défendu, avec succès, les Tiberi dans les affaires d’emplois fictifs de Madame.
Ce qu’on ne sait pas : tout comme pour Nicolas Sarkozy, on ne connait pas le sort judiciaire qui attend l’avocat à l’issue de sa garde à vue. Dans le cas de Thierry Herzog, la situation est d’autant plus compliquée qu’en tant qu’avocat il bénéficie d’une protection particulière au nom du secret professionnel.
Une protection qui risque, cependant, de voler en éclats à cause de l’ouverture par Thierry Herzog d’une ligne téléphonique sous un faux nom. Cet acte pourrait être jugé “de nature à présumer de sa participation à des faits constitutifs d’une infraction”, rappelle le quotidien “Le Monde”.
Ce qu’on sait : c’est l’invité surprise de ce nouvel épisode des ennuis judiciaires de Nicolas Sarkozy. Patrick Sassoust a également été placé en garde à vue lundi 30 juin. Ce magistrat officie, tout comme Gilbert Azibert, à la cour de cassation. Mais lui est rattaché à la chambre criminelle (Gilbert Azibert dépend de la chambre civile) ce qui lui donne un accès plus direct aux dossiers sensibles concernant Nicolas Sarkozy.
D’après Mediapart, Patrick Sassoust a été directement sous les ordres de Gilbert Azibert à la cour d’appel de Bordeaux en 2007 et 2008.
Ce qu’on ne sait pas : on ne sait, en fait, que très peu de chose quant à l’implication éventuelle de ce magistrat. Son nom n’apparaît pas dans la retranscription des écoutes téléphoniques. Les enquêteurs détiennent-ils des éléments permettant de faire de Patrick Sassoust l’un des relais de Gilbert Azibert dans sa pêche aux informations ? Était-il en contact direct avec Thierry Herzog ?
L’étau judiciaire autour de Nicolas Sarkozy se resserre. Après avoir été placé en garde à vue, l’ancien président a été mis en examen, mercredi 2 juillet, pour trafic d’influence, violation du secret professionnel et corruption active.
Deux autres personnes, l’avocat de Nicolas Sarkozy et un haut magistrat, ont également été mises en examen pour les mêmes motifs. Un troisième magistrat est sorti de la garde à vue sans que des charges aient pu être retenues contre lui.
Ce coup de massue judiciaire contre Nicolas Sarkozy fait suite aux interceptions téléphoniques effectuées début 2014 dans le cadre de l’enquête sur le financement de la campagne présidentielle de 2007. À cette occasion, les juges d’instruction ont eu vent d’étranges conversations entre Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog. Elles semblent indiquer que l’ancien président disposait d’un réseau d’informateurs sur certains dossiers.